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Comprendre les statuts légaux en psychiatrie légale

Afin d’être en mesure d’identifier et de comprendre les statuts légaux fréquemment rencontrés en psychiatrie légale au Québec, nous proposons un survol de principes fondamentaux, de dispositions et des mesures d’exception spécifiques en psychiatrie légale. Du contenu spécifique viendra s’ajouter à celui ici présenté.

Types de garde et mesures d'exception

Tirées d’une formation générale diffusée à l’occasion d’une conférence en ligne le 15 mars 2024 intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale à l’attention des professionnels et intervenants oeuvrant dans le domaine, nous présentons ici des capsules sommaires portant sur la Garde en établissement, la Loi P-38.001 et le transport forcé à l’hôpital, la garde préventive, la garde provisoire, la garde autorisée, et l’autorisation judiciaire de soins.

 

Ces capsules se veulent des points de repère généraux s’adressant aux intervenants et professionnels qui ont des connaissances de base en santé mentale et en psychiatrie légale.

La garde en établissement et la Loi P-38.001

 

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (LPP)

Quelques points de repère :

  • Il s’agit d’une loi d’exception qui complète les dispositions du Code civil du Québec concernant la garde d’une personne, contre son gré, dans un établissement de santé et de services sociaux, y compris l’évaluation psychiatrique.
  • La dangerosité est le seul critère d’application de cette loi et fait référence à l’état mental d’une personne et non à une maladie mentale précise.
  • La personne demeure titulaire de ses autres droits.

Transport forcé à l’hôpital (LPP, Art. 8) par des agents de la paix

Permet à tout agent de la paix le transport forcé à l’hôpital d’une personne qui présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, afin qu’elle soit vue par un médecin. Le médecin peut décider de débuter ou non une mise sous garde préventive.

 

  • Exemples de cas pouvant mener au transport forcé à l’hôpital :
    • Manifestations suicidaires;
    • Geste ou menaces (annonce d’intention) d’agression qui compromet la sécurité d’autrui;
    • Escalade de comportements agressifs;
    • Absence d’autocritique face à un danger potentiel;
    • Automutilation.

La garde préventive


Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Quelques points de repère sur la garde préventive

Il s’agit d’une situation exceptionnelle d’urgence qui commande d’agir immédiatement.

 

Quoi : Mettre une personne sous garde à l’hôpital contre son gré.

Quand : La personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental.

Comment : N’importe quel médecin ou infirmière praticienne spécialisée en santé mentale* exerçant dans un hôpital peut la débuter.

Durée : maximum 72 heures.

 

*Depuis le projet de loi C-43 adopté en mars 2020, toute infirmière praticienne spécialisée en santé mentale et travaillant dans un hôpital pourrait théoriquement décider également d’une mise sous garde préventive.

La garde provisoire


Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Quelques points de repère sur la garde provisoire

Quoi : Garder provisoirement la personne à l’hôpital pour lui faire subir une évaluation psychiatrique, malgré l’absence de consentement.

Quand : La personne refuse de se soumettre à un examen psychiatrique et le tribunal est convaincu qu’il y a des motifs sérieux de croire que son état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui.

Comment : Sur ordonnance du tribunal (Cour du Québec), à la demande d’un médecin ou d’un tiers intéressé.

Délais pour les évaluations :

  • Maximum de 96 heures à partir de l’admission si la personne n’est pas déjà à l’hôpital.
  • Maximum de 48 heures de l’ordonnance si la personne est déjà en garde préventive.

 

 

La garde autorisée

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Quelques points de repère sur la garde autorisée

Quoi : Mettre une personne sous garde à l’hôpital contre son gré pour une durée déterminée.

Quand : Le tribunal a des motifs sérieux de croire que la personne est dangereuse pour elle-même ou pour autrui et que sa garde est nécessaire.

Comment : Sur ordonnance de la Cour du Québec, et fondée sur deux rapports d’examens psychiatriques différents.

Durée : Fixée par le juge ; le personne sera libérée si la garde autorisée (garde en établissement) n’est plus nécessaire.

 

Attention : N’équivaut pas à une ordonnance de traitement ! La personne demeure titulaire de ses autres droits et doit être informée de son plan de soin.

L'autorisation judiciaire de soins

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel

Quelques points de repère sur l’autorisation judiciaire de soins

Quoi : Mécanisme d’exception permettant de contraindre une personne à recevoir des soins contre son gré.

Quand : Si la personne est inapte à consentir, et qu’elle refuse catégoriquement un soin alors que son état de santé le nécessite.

Comment : Requête du médecin traitant et de l’établissement de santé devant la Cour Supérieure du Québec, qui doit établir entre autre la nature de la maladie à traiter, la nature et le but du traitement proposé, et la balance entre les bénéfices et les risques.

Durée : Fixée par le juge ; généralement entre 1 et 5 ans.

Les régimes de protection

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur les régimes de protection

Quoi : Mesures juridiques destinées à assurer la protection de sa personne, la gestion de son patrimoine et l’exercice de ses droits.

Quand : En cas d’inaptitude de la personne à s’occuper d’elle-même ou à gérer son argent et ses biens.

Comment : Sur autorisation du tribunal à la demande de la personne concernée, de toute personne démontrant de l’intérêt pour elle ou du curateur public. Fondée sur des évaluations médicale et psychosociale.

Résultat : Le tribunal précise la nature de la tutelle, les délais de réévaluation et la modulation de la tutelle.

 

Rappelons que cette mesure n’équivaut pas à une inaptitude à consentir aux soins, et que le droit de la personne à participer aux décisions qui la concerne sont maintenus.

Au Québec, toute personne majeure est présumée apte à s’occuper de sa personne et de ses biens et à exercer pleinement ses droits civils. Seul le tribunal peut statuer sur l’inaptitude d’une personne. Une unicité de la tutelle – soit un seul et même tuteur – pour les biens et la personne est souvent privilégiée.

 

En novembre 2022, plusieurs champs de modulation sont apparus :
  • le droit de vote;
  • le droit de contracter pour ses besoins ordinaires et usuels;
  • la garde;
  • la gestion du produit de son travail, de son art ou de sa profession;
  • le droit d’accomplir des actes relatifs à un emploi;
  • le droit de signer un bail.
L’évaluateur est dans l’obligation de se positionner sur chacune d’entre elles et le tribunal de statuer.

Les tribunaux

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur les tribunaux

Cours municipales

  • L’objectif des cours municipales est d’assurer une justice de proximité et favoriser l’accès à la justice
  • Elles ont compétence en matière civile, pénale pour certaines infractions, et criminelle dans certains cas.

Cour du Québec

  • Il s’agit du tribunal de première instance traitant de la grande majorité des litiges de la province.
  • Les trois divisions à la Cour du Québec sont : Chambre civile, Chambre criminelle et pénale, Chambre de la jeunesse.

 

Cour supérieure

  • Il s’agit d’un tribunal de droit commun, il y en a un dans chaque province et territoire du Canada.
  • En matière civile, ce tribunal traite notamment demandes relatives à l’intégrité de la personne.

Cour d’appel

  • C’est le plus haut tribunal de la province, il siège à Québec et à Montréal.
  • La Cour d’appel décide dans la vaste majorité des cas en dernier ressort des affaires portées devant elle.

Cour suprême

  • C’est la juridiction d’appel de dernier ressort du pays, elle constitue le sommet du pouvoir judiciaire du Canada. 
  • Elle entend les appels provenant à la fois des tribunaux fédéraux et provinciaux.

 

 

Le Tribunal administratif du Québec

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur le Tribunal administratif du Québec (TAQ)

Il s’agit d’un tribunal spécialisé institué par la Loi sur la justice administrative.

Il traite des recours déposé contre des décisions administratives.

Les quatre sections des tribunaux spécialisés sont les suivantes :

  • Affaires sociales, comprenant la division de la santé mentale, incluant elle-même la Commission d‘examen des troubles mentaux (CETM) et les dossiers de recours de personnes mises sous garde en établissement;
  • Affaires économiques;
  • Affaires immobilières;
  • Territoire et environnement.

Le TAQ Dispose de pouvoirs d’enquête et de médiation.

Le Code criminel du Canada

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur le Code criminel du Canada

Le Code criminel est une loi fédérale qui définit la plupart des infractions criminelles édictées par le Parlement du Canada.

 

Il définit notamment :

  • Les conduites qui constituent des infractions criminelles;
  • Les moyens de défense qu’une personne peut invoquer si elle est accusée;
  • Le type et la mesure des peines;
  • Les procédures à suivre quant aux enquêtes et aux poursuites.

Note : Le Code criminel contient la plupart des dispositions du droit criminel au Canada, mais pas toutes. Certains aspects du droit criminel se fondent également sur les décisions des tribunaux.

La détention provisoire

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur la détention provisoire

Détention provisoire (Art. 515, C.Cr.)

 

Aussi appelée détention avant procès.

  • Quoi : Cas d’une personne en détention en attendant une autre comparution.
  • Quand : Si la personne est arrêtée et placée sous garde par la police. Doit alors être conduite devant un juge de paix, et la Couronne doit justifier les motifs de la détention.
  • Comment : La détention avant procès est ordonnée par le juge sur considération de plusieurs éléments tels qu’assurer sa présence au tribunal, assurer la protection du public et ne pas miner la confiance du public envers la justice.

L'aptitude à subir son procès

Capsule tirée de la conférence intitulée Les statuts légaux en psychiatrie légale prononcée le 15 mars 2024 par Arnaud Sepúlveda, criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.

Quelques points de repère sur l’aptitude à subir son procès

L’aptitude à subir son procès relève du Code criminel (Art. 672.22-672.33)

Principe

Une personne accusée d’un délit doit pouvoir se défendre des accusations portées contre elle.

Présomption d’aptitude (art. 672.22)

L’accusé est présumé apte à subir son procès.

Évaluation sur l’aptitude à comparaître (art. 672.11a)

Ordonnance émise par le Juge, qui porte sur l’évaluation de l’état mental de l’accusé, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant son état mental est nécessaire.

Durée de l’ordonnance d’évaluation

Maximum 5 jours ouvrables.

Demandeur

À la demande de l’accusé ou du poursuivant (sauf avec l’accord des 2 parties où le maximum est fixé à 30 jours).

À quel moment

À toute étape des procédures pénales et peut être rendue plus d’une fois.

Par qui

L’expertise est usuellement réalisée par un psychiatre, mais peut être effectuée par n’importe quel autre médecin.

Si déclaré apte à subir son procès

Le processus légal suit son cours.

Si déclaré inapte à subir son procès

  • Le juge peut ordonner un traitement contre le gré (art. 672.58) pour une durée usuelle de 30 jours (maximum 60 jours). Au-delà de ce délai, si la personne est toujours inapte, elle sera référée à la CETM.
  • Si un traitement ne restaurera vraisemblablement pas l’aptitude, la personne sera référée au TAQ. Elle devra alors être vue par la CETM dans un délai de 45 à 90 jours suivant le verdict d’inaptitude.

    • Si la personne demeure inapte, on procédera à une réévaluation (minimalement sur une base annuelle) jusqu’au rétablissement de l’aptitude ou l’arrêt des procédures.
    • Si elle est apte, il y a retour au processus judiciaire normal à la Cour criminelle.

Pour en savoir plus sur l’aptitude à subir son procès